La LFSS 2022 a confié aux orthoptistes le droit de prescription des équipements optiques. Elle instaure également un accès direct à d’autres professions : orthophonistes, kinésithérapeutes… Ces dispositions ont suscité une levée de bouclier chez les syndicats de médecins concernés, mais cette opposition frontale reflète-t-elle l’opinion des praticiens sur le terrain ? Non, selon un récent sondage réalisé par le Journal international de médecine (Jim), qui montre à l’inverse que ceux-ci approuvent en majorité ces réformes.
D’après l’enquête, réalisée sur le site Jim.fr du 3 au 27 décembre 2021, plus de 2 médecins sur 3 (toutes spécialités confondues) se disent favorables à l’accès direct aux professions paramédicales, à la condition que celui-ci soit organisé après une concertation (seuls 12 % pensent que la transition pourrait se faire sans concertation). Sur l’ensemble des professionnels de santé interrogés (médecins, mais aussi kinés, infirmier.ère.s et pharmaciens), 53 % soutiennent cet accès direct défini en lien avec tous les métiers impliqués et 22 % y sont favorables « dans tous les cas ».
Rapport de confiance
« Comme cela est souvent le cas, ce sondage rappelle que certains réflexes syndicaux ne retranscrivent peut-être pas toujours fidèlement la réalité de la perception des médecins », commente le Jim. Les résultats de son sondage montrent que « l’accès direct est envisagé comme la continuité d’un travail de collaboration et de coordination que les praticiens expérimentent au quotidien. L’ampleur de l’adhésion est le révélateur d’un rapport de confiance entre les praticiens et les paramédicaux et signale également probablement que beaucoup jugent que non seulement la qualité des soins ne serait nullement mise en péril, mais qu’au contraire des améliorations pourraient être attendues (prise en charge plus rapide, évaluation plus en phase avec les bonnes pratiques de certains besoins…). » Le Jim rappelle que les nouveaux accès directs feront l’objet de divers encadrements « qui semblent être jugés suffisants pour emporter l’adhésion d’une très grande majorité de professionnels ». Le droit de prescription des orthoptistes ne devrait ainsi concerner que les patients de 16 à 42 ans avec une faible correction visuelle.
Le droit de prescription des orthoptistes “n’est pas la fin du monde”
De son côté, Jean-Bernard Rottier, ophtalmologiste et ancien président du Snof (Syndicat national des ophtalmologistes de France), a exprimé sur Linkedin, il y a quelques jours, sa position sur le droit de prescription des orthoptistes. « L’article 40 n’est pas la fin du monde, c’est juste la fin d’une époque. Le premier recours va être partagé avec les orthoptistes et les opticiens. La montée en compétences des paramédicaux est irrépressible, elle a lieu dans tous les domaines de la médecine », explique-t-il. Estimant que l’opposition des médecins est contreproductive, le praticien invite ses confrères à évoluer « d’une logique de patientèle à une logique de service rendu à un territoire », à organiser leur propre premier recours avec des salariés et à contractualiser avec les orthoptistes et opticiens à leur compte. Jean-Bernard Rottier croit aux organisations du type Postes Avancés d’Ophtalmologie (PAO), avec des centres de premier recours tenus par les orthoptistes, un recentrage de l’activité ophtalmologique sur le diagnostic et la prise en charge des pathologies et des centres ophtalmologiques multidisciplinaires, pilotes et référents du territoire. « Préférez-vous opérer 1000 cataractes par an ou faire 1000 réfractions ? Poser la question c’est y répondre. Les réfractions sont à confier aux orthoptistes et aux opticiens », déclare-t-il, en conseillant à ses confrères « d’oublier l’article 40 » et de « construire l’ophtalmologie 4.0 ».